Le grand patron avait
décidé de faire la fête de noël que nous avions planifiée en réunion. J’avais
passé l’après-midi à faire les décorations après plusieurs semaines à écumer
les magasines. Jean-Eudes avait un peu verdi en voyant la facture, mais ça en valait
la peine : la salle était magnifique.
Nous avions choisi une
« petite » salle pas loin de la maison d’édition ; étaient invités les auteurs
VIP et tout le personnel. J’entrai, en avance sur tout le monde et donnai mon
manteau avec une négligence voulue à Léo je ne sais plus quoi, le stagiaire.
Gabrielle était déjà là, loin de son époux. Je saisi une coupe de champagne
avant de venir la voir :
- Alors ma chère Gaby,
que pensez vous de la décoration ?
Elle me retourna un
grand sourire. J’aimais bien son sourire, il était emprunt d’une espièglerie
que seule les femmes de son âge qui ont gardé la beauté de leur jeunesse
peuvent avoir.
- La rumeur sur le bon
goût des homosexuels en matière de décoration est donc vraie !
Je lui fis mes yeux de
poisson rouge, regardant alentour.
- Ne dites pas cela en
public ! Vous ruineriez ma réputation de coureur de jupons des belles auteures…
Elle s’était postée au
bon endroit pour admirer les arrivés. Je restais donc là tout au bonheur de
pouvoir les commenter avec elle et d’être, qui plus est, salué au même titre
que la femme du directeur. Je serrais avec chaleur les pinces de quelques
personnes que je n’avais jamais vues jusqu’ici et dont j’aurais probablement dû
connaître l’existence (et surtout le nom) mais sauvais la face en me jetant sur
mes auteurs favoris avec des grands :
- Oh Josiane ! Quel
bonheur que tu aies pu venir ! Tu as lu la critique de machin sur ton livre ?
On va la mettre sur le flyers ! Ah mais ne parlons pas de boulots ce soir,
prends un verre !
Bien sûr, pas question
de ne pas parler de travail. Cette fête était justement l’occasion de tirer les
verres du nez à mes auteurs pour savoir s’ils avaient des propositions
indécentes de d’autres maisons d’éditions et de leur montrer à quel point moi
je les aimais, les chérissais, les adorais et m’occupais bien d’eux. Après
quelques verres auprès d’eux et quelques beaux commentaires entre deux verres
échangés avec Gabrielle sur la mise extravagante de certains et certaines, je
fis un petit tour des collègues. La musique ponctuait les conversations
éclaboussées de la lumière des guirlandes clignotantes du sapin. Certains me
renvoyèrent avec de petites paroles condescendantes (comme si j’avais trop bu
pour m’en rendre compte). Mon verre était à nouveau vide. Je remplissais donc
celui-ci avant qu’un silence ne se fasse pour écouter le petit discours du
directeur, annonçant le milieu de la fête.
Je me postai près de
Gabrielle avec des œillades convenues et quelques paroles qui ne furent
visiblement pas très discrètes à voir le regard mauvais des voisins dérangés
par nos messes basses. Le discours s'acheva sur l’annonce des proches résultats
de la tombola et des remerciements à tous pour être venus. J’emmenai ma chère
amie prendre un billet de dernière minute quand nous tombâmes sur Jean-Eude. Il
faut savoir que je suis quelqu’un de très sociable et sans gêne mais devant le
directeur du service juridique mon cœur s’emballe, je rougis, je m’emmêle les
pinceaux… Bref, je perds tous mes moyens. Et ce soir ne fit pas exception à la
règle. Nous nous réfugiâmes dans un coin de la salle. Après la tombola, la fête
commença à se dissoudre et je n’avais pas envie de rester jusqu’au bout : les
verres peuvent vous faire parler plus que de mesure et Jean-Eude était
décidemment trop sexy dans son costume. Je fis mes au revoir à Gabrielle et
quelques collègues croisés de ci de là, avant d’aller harceler Léo et de
l’ébouriffer un bon coup.
- Joyeux Noel p’tit
gars !
Et je rentrai,
satisfait de ma soirée.
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