jeudi 19 décembre 2013

Fête de Noel des éditions par Jean Pierre Morin

 


      Le grand patron avait décidé de faire la fête de noël que nous avions planifiée en réunion. J’avais passé l’après-midi à faire les décorations après plusieurs semaines à écumer les magasines. Jean-Eudes avait un peu verdi en voyant la facture, mais ça en valait la peine : la salle était magnifique.
Nous avions choisi une « petite » salle pas loin de la maison d’édition ; étaient invités les auteurs VIP et tout le personnel. J’entrai, en avance sur tout le monde et donnai mon manteau avec une négligence voulue à Léo je ne sais plus quoi, le stagiaire. Gabrielle était déjà là, loin de son époux. Je saisi une coupe de champagne avant de venir la voir :

- Alors ma chère Gaby, que pensez vous de la décoration ?

Elle me retourna un grand sourire. J’aimais bien son sourire, il était emprunt d’une espièglerie que seule les femmes de son âge qui ont gardé la beauté de leur jeunesse peuvent avoir.

- La rumeur sur le bon goût des homosexuels en matière de décoration est donc vraie !

Je lui fis mes yeux de poisson rouge, regardant alentour.

- Ne dites pas cela en public ! Vous ruineriez ma réputation de coureur de jupons des belles auteures…

Elle s’était postée au bon endroit pour admirer les arrivés. Je restais donc là tout au bonheur de pouvoir les commenter avec elle et d’être, qui plus est, salué au même titre que la femme du directeur. Je serrais avec chaleur les pinces de quelques personnes que je n’avais jamais vues jusqu’ici et dont j’aurais probablement dû connaître l’existence (et surtout le nom) mais sauvais la face en me jetant sur mes auteurs favoris avec des grands :

- Oh Josiane ! Quel bonheur que tu aies pu venir ! Tu as lu la critique de machin sur ton livre ? On va la mettre sur le flyers ! Ah mais ne parlons pas de boulots ce soir, prends un verre !

Bien sûr, pas question de ne pas parler de travail. Cette fête était justement l’occasion de tirer les verres du nez à mes auteurs pour savoir s’ils avaient des propositions indécentes de d’autres maisons d’éditions et de leur montrer à quel point moi je les aimais, les chérissais, les adorais et m’occupais bien d’eux. Après quelques verres auprès d’eux et quelques beaux commentaires entre deux verres échangés avec Gabrielle sur la mise extravagante de certains et certaines, je fis un petit tour des collègues. La musique ponctuait les conversations éclaboussées de la lumière des guirlandes clignotantes du sapin. Certains me renvoyèrent avec de petites paroles condescendantes (comme si j’avais trop bu pour m’en rendre compte). Mon verre était à nouveau vide. Je remplissais donc celui-ci avant qu’un silence ne se fasse pour écouter le petit discours du directeur, annonçant le milieu de la fête.
Je me postai près de Gabrielle avec des œillades convenues et quelques paroles qui ne furent visiblement pas très discrètes à voir le regard mauvais des voisins dérangés par nos messes basses. Le discours s'acheva sur l’annonce des proches résultats de la tombola et des remerciements à tous pour être venus. J’emmenai ma chère amie prendre un billet de dernière minute quand nous tombâmes sur Jean-Eude. Il faut savoir que je suis quelqu’un de très sociable et sans gêne mais devant le directeur du service juridique mon cœur s’emballe, je rougis, je m’emmêle les pinceaux… Bref, je perds tous mes moyens. Et ce soir ne fit pas exception à la règle. Nous nous réfugiâmes dans un coin de la salle. Après la tombola, la fête commença à se dissoudre et je n’avais pas envie de rester jusqu’au bout : les verres peuvent vous faire parler plus que de mesure et Jean-Eude était décidemment trop sexy dans son costume. Je fis mes au revoir à Gabrielle et quelques collègues croisés de ci de là, avant d’aller harceler Léo et de l’ébouriffer un bon coup.

- Joyeux Noel p’tit gars !


Et je rentrai, satisfait de ma soirée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire